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文章基本信息

  • 标题:Anne Beroujon, Peuple et pauvres des villes dans la France moderne. De la Renaissance a la Revolution.
  • 作者:Bertrand, Danny
  • 期刊名称:Urban History Review
  • 印刷版ISSN:0703-0428
  • 出版年度:2015
  • 期号:March
  • 语种:English
  • 出版社:Becker Associates
  • 关键词:Books

Anne Beroujon, Peuple et pauvres des villes dans la France moderne. De la Renaissance a la Revolution.


Bertrand, Danny


Anne Beroujon, Peuple et pauvres des villes dans la France moderne. De la Renaissance a la Revolution (Paris: Armand Colin, 2014), 334 p.

[ILLUSTRATION OMITTED]

Avec cet ouvrage, Anne Beroujon nous propose une synthese des connaissances sur le peuple de la France d'Anclen Regime, un sujet jouissant d'une riche historiographie. Cette synthese s'inscrit dans la foulee des grandes etudes de Daniel Roche, Arlette Farge, Jean Delumeau, Jean Nicolas et Natalie Zemon Davis. En puisant dans les analyses de ces piliers de l'historiographie francaise, Beroujon cherche a rendre compte du peuple dans toute sa complexite. L'ouvrage ne constitue donc pas une etude approfondie mobilisant un vaste corpus de sources et il s'adresse de toute evidence au grand public.

Dans le premier chapitre, l'auteure s'attarde a delimiter son objet d'etude en fournissant une definition sociologique tres riche de ce peuple urbain qu'elle rend saisissable par une approche a la fois qualitative et quantitative. Il en ressort un peuple qui, malgre la permeabilite des frontieres sociales qui le distinguaient des elites, representait la majorite des habitants des villes d'Ancien Regime et qui se caracterisait entre autres par sa mobilite. Le deuxieme chapitre porte sur le peuple au travail, activite qui le definissait en termes identitaires et qui produisait une cohesion sociale. Beroujon illustre comment le travail est devenu le principal moyen d'obtenir une dignite et une honorabilite. Elle met l'accent sur les possibilites offertes au peuple, que ce soit dans le cadre d'une corporation de metier ou d'un emploi de domestique par exemple. Elle rend bien compte des hierarchies complexes qui depassaient la classification sociale habituelle.

La vie du peuple au quotidien est ensuite abordee par une analyse des pratiques et des comportements, que ce soit en termes d'habitation, d'alimentation ou de consommation. Elle demontre qu'une serie de changements a entraine une degradation du niveau de vie du peuple qui l'a eloigne davantage des elites. Inversement, les transformations dans les manieres de consommer le rapprochaient de ces elites. Ce rapprochement est notamment perceptible dans l'evolution du rapport a l'objet. Le peuple affirmait ainsi son urbanite et son integration a la ville, ce qui a entraine une reaction des elites. Le quatrieme chapitre, le plus interessant a notre avis, porte sur l'aspect culturel. Rejetant la mise en place d'une culture populaire distincte et commune a l'ensemble du peuple, Beroujon decrit un processus de mise a distance de pratiques jugees populaires par les elites, qui etaient devenues soucieuses de marquer leur position sociale en se forgeant leur propre culture, celle de l'honnete homme. Les rituels publics, les differents modes de consommation culturelle et les comportements religieux ont tous ete remodeles au cours de la periode. L'auteure demontre avec brio l'elaboration de cette << nouvelle orthodoxie culturelle >> qui s'est realisee par l'invention du << populaire >> (p. 231), suivie d'une disqualification et d'une mise a distance Intellectuelle et physique par les elites.

Les deux derniers chapitres traitent de l'aspect politique. L'auteure soutient que le peuple avait un pouvoir d'action meme s'il avait ete exclu des spheres du pouvoir. Ce pouvoir s'exprimait par son organisation en compagnonnage et par sa capacite emeutiere. Beroujon indique que le peuple n'a jamais perdu cette propension a la revolte, qui representait son avenue politique la plus efficace. Selon elle, les acquis de ces deux types d'experiences ont permis aux peuples des villes d'entrer dans la Revolution, qui a incarne la veritable << irruption du peuple sur la scene politique >> (p. 279). Ce serait grace aux evenements de 1789 que le peuple serait devenu << un etre politique >>, << une force agissante >> (p. 281) et qu'il aurait influence d'une maniere considerable, pour la premiere fois, les decisions politiques. Si l'auteure prend le soin de bien nuancer son degre d'implication, elle reussit a demontrer que le peuple a bel et bien acquis une force politique inedite et qu'il prend, au moins pour un temps, sa place dans l'arene politique. Cette politisation progressive en est venue a impregner son quotidien et a modifier ses pratiques.

L'ouvrage offre ainsi un portrait detaille et satisfaisant de ce peuple des villes, malgre les defis poses par les sources. Pour combler les vides crees par des lacunes documentaires et afin d'assurer une certaine representativite a la fois geographique et temporelle, l'ouvrage ne porte pas sur une ville en particulier, mais sur un vaste nombre d'exemples urbains que l'auteure utilise en fonction des ouvrages qu'elle mobilise. Cependant, dans la mesure oU II s'agit d'une synthese, l'ouvrage ne traite que trop peu des enjeux lies aux sources, se contentant de faire de courtes mentions eparses. A ce titre, le chercheur reste sur sa faim, d'autant plus qu'il semble y avoir parfois un manque d'information precise sur les sources utilisees. En effet, l'auteure et l'editeur ont opte pour un systeme de reference particulierement etrange qui entraine un manque de coherence et d'intelligibilite. Il s'agit d'un systeme qui mele deux modes de reference aux sources et aux etudes, soit les notes de fin de document et les notes entre parentheses, dont le contenu fluctue tout au long de l'ouvrage en fonction des elements qui sont mentionnes dans le texte. La variabilite du contenu des references et, dans certains cas, l'absence de references precises pour des elements cites dans le texte sont deplorables et genent la lecture, ce qui apparait etonnant pour un ouvrage dont l'ambition est selon toute vraisemblance de depasser les cercles academiques.

Ceci etant dit, Beroujon s'est fait un devoir d'etre nuancee et prudente a travers les multiples aspects abordes. Plusieurs questions epineuses y sont abordees, comme le debat sur la culture populaire, le processus de dechristianisation au XVIIIe siecle, la permanence de la violence en milieu urbain et le suppose declin des emeutes et des revoltes populaires. Les positions antagonistes sont presentees clairement et l'auteure justifie bien ses prises de position, d'autant qu'elle penche generalement pour des points de vue admis dans l'historiographie recente. Sur la desacralisation de la monarchie au XVIIIe siecle, elle indique par exemple qu'il y eut une certaine erosion ideologique a cet egard, une position mediane par rapport aux points de vue tranches de Robert Darnton ou de Jens Ivo Engels. L'auteure met egalement en valeur des notions phares provenant des nouveaux developpements historiographiques. Elle utilise par exemple les concepts de frontieres, d'espaces, de dynamiques et d'acteurs en mouvement. Elle fait etat de rapports plus nuances entre villes et campagnes et elle considere souvent le role et la place des femmes. Cette sensibilite, omnipresente tout au long de l'ouvrage, procure un equilibre aux propos de Beroujon, ce qui contribue a la qualite generale de cette synthese qui interessera sans doute un public elargi.

Danny Bertrand

Candidat au doctorat en histoire

Universite d'Ottawa
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